BIEN MANGER À NICE

Premier conseil : jeûnez. À Nice, vous allez en prendre plein les papilles, autant se tenir prêt.

Après tout, on connaît peu de maires qui ont consacré un bouquin de référence à la gastronomie de leur ville. À Nice, oui: l’ancien édile Jacques Médecin (maire quand même pendant 25 ans) a carrément consacré 380 pages aux recettes réunies à la fin du XIXe siècle par sa tante Mietta, une paysanne de la colline de Gairaut.  

C’était en 1972. Cinquante ans après, Nissa la Bella ravit les palais, plus que jamais. Il faut faire un tour sur ses marchés, pousser les portes, se laisser surprendre. D’ailleurs, à coups de pan-bagnat et de socca fumante, on se demande si ce n’est pas ici qu’est née la street food, en version healthy. Allez, baladez-vous et bon appétit.  

La meilleure manière de prendre le pouls gourmand de Nice, c’est le cours Saleya. Marché historique, l’un des plus beaux du monde, dit-on. Dans le genre, difficile de faire mieux. Les fraises de Carros et de Carpentras, les artichauts de Saint-Laurent, les cébettes, les fleurs de courgettes pour «li bignéta dé flou dé cougourdéta» et même le micro étal d’herbes aromatiques tenue par une petite dame venue de l’arrière-pays donnent le ton parmi les stands de fleurs, l’autre spécialité de la région.

Légende oblige, grosse fréquentation touristique à prévoir; en cas d’intolérance, filer au marché Libération, entre l’avenue Malaussena et la place du Général de Gaulle. Le kiosque Tintin, référence du pan-bagnat, est sur zone.

Mais le coup de cœur des Niçois pour ce « pain baigné » à l’huile d’olive, c’est La Gratta, près du port (56, boulevard Stalingrad).  Une baraque posée face à la mer. Pan-bagnat de compétition à emporter et à déguster à l’arrache sur la plage à coté́ avec, en cas de grosse chaleur, une vraie gratta kekka, l’équivalent niçois de la granita italienne, et une part de tourte aux blettes en dessert.

Gardez de la place pour une tranche de socca fumante et de pissaladière à emporter à la Socca d’Or (45, rue Bonaparte). Et continuez avec une glace d’exception chez Fenocchio (2, place Rosetti et 6, rue de la Poissonnerie). Institution niçoise et toujours familiale millésimée 1966, ce maître glacier joue la carte des classiques peu dosés en sucre et explore aussi des saveurs inédites, type glace à l’olive, au calisson, sorbet thym, romarin et même tomate basilic, avec en bonus l’extraordinaire gâteaux glacé «comté de Nice» aux mandarines confites. 

Pas évident à rapporter dans sa valise mais passage obligé, tout comme chez Canastel (4, boulevard Gambetta, de l’autre côté de la ville) pour faire une cure vitaminée à coup de glace au citron – essayez l’Agua Lemon et vous nous en direz des nouvelles.

Pour un café, le Café de Turin vous accueille sous les belles arcades de la place Garibaldi depuis 1908, et on s’y presse en fin d’année pour rafler les plus beaux plateaux de fruits de mer. Longues files également dans le vieux Nice devant la petite boutique Neron (15, place Saint François), où Louis Dubois, glacier-pâtissier formé à bonne école (Le Ritz, Pierre Gagnaire…) saura émoustiller vos sens avec son sorbet au chocolat et autres fraisiers ou paris-brest low glucose.

 

Juste à coté, trois stands de poissonneries assez dingos, aussi bien pour le choix que pour la personnalité de leurs tenanciers.  Poursuivez l’aventure sucrée en poussant la porte de la chocolaterie Maison Auer (7, rue Saint François-de-Paule) pour découvrir son hallucinante déco de dorures et boiseries couleur crème. Belmondo et Sophie Marceau y font leurs courses dans Joyeuse Pâques de Lautner mais vous n’êtes pas obligés de repartir avec une poule en chocolat géante pour découvrir les spécialités de cette adresse ouverte en 1820, dont les fruits confits selon une recette transmise de père en fils depuis cinq générations. Ça, vous pourrez les rapporter à la maison, tout comme les pâtes Rigoletto, les huiles d’olive, les confitures et les miels provençaux de la cool épicerie de quartier de Simon Lemasle (17, rue du Lycée), et peut-être même les véritables raviolis niçois farcis à la daube et les panisses de la Maison Barale (7, rue Sainte-Réparate), artisan vermicelier depuis 1892 – Alain Ducasse est fan, c’est dire, mais a-t-il visité la fabrique de pâtes fraîches Maison Quirino (10, rue Balvastro), un brin plus jeune puisque presque centenaire ?

N’oubliez pas un pastis rare ou un rosé de compétition conseillé par Olivier, le boss de La Part des Anges (17, rue Gubernatis), tout simplement couronnée cave de l’année 2020, ni le rideau rouge de la Cave de la Tour (3, rue de la Tour), toujours familiale depuis 1947 : Jean- Philippe saura vous conseiller. Et puis, parce que les Niçois ont l’esprit large et le sens de la bougeotte, on ne pouvait pas manquer de vous conseiller les étals du marché d’Antibes et une escapade du coté́ de Vence.  

Parmi les passages obligés, la Fromagerie Métin (18, rue du Marché), tenue par un ancien joueur de basket pro par ailleurs président de l’association des maîtres fromagers de France. Proposés en général d’avril à octobre, les fromages du Haut Pays niçois type suole de la Brigue et tomme de la Roya sont simplement les meilleurs du coin. Vous passerez aussi du coté́ de la Poissonnerie des Halles dans le vieux Vence, juste magnifique et engagée puisqu’elle fait la part belle à la pêche locale et raisonnée.

Quant à la porchetta niçoise… elle trône, comme une sainte du vieux Nice, dans le tabernacle de la charcuterie Gibaudo & Pottier (29, rue Pairolière). La goûter, c’est toucher au sublime.